Agriculteurs et forêts : rencontre avec Geneviève Michon

Ethnobotaniste et géographe à l’IRD  Geneviève Michon est une spécialiste des relations entre sociétés et forêts.
 
Elle observe dans le monde entier comment les agriculteurs conçoivent et matérialisent leur rapport aux forêts, et et quelle est la nature  des conflits qui opposent agriculteurs et administrateurs des forêts. Pour elle, le modèle de la forêt domestique, ni productiviste destructeur ni conservateur rigide, est une réponse n’opposant pas le blé à l’arbre, la rentabilité à la diversité, la compétitivité au partage.
 
 
Geneviève Michon a publié « Agriculteurs à l’ombre des forêts du monde »  (Actes Sud, 2015), ouvrage dans lequel elle s’interroge sur la dualité entre production forestière et conservation de la forêt :
 
« Nous habitons aujourd’hui entre deux rives. Celle de la nature transformée par la technique, qui a éradiqué les forêts sauvages pour produire toujours plus et plus vite. En face, comme une image inversée, la rive de la nature « naturelle », que nous nous évertuons à protéger avec un effort proportionnel à celui que nous déployons pour la transformer. Contrairement à ce que l’on croit, ces deux rives ne s’opposent pas, mais relèvent du même mode de pensée. Notre propension à conserver n’est que le négatif de notre avidité à produire et à consommer.

Les agriculteurs du monde nous montrent qu’il existe d’autres façons d’envisager le rapport entre production et conservation. Les combinaisons multiples entre leurs arbres, leurs champs et leurs forêts constituent un véritable patrimoine agroforestier, qui révèle d’autres formes de relation entre forêt et agriculture.

De l’agroforêt indonésienne à l’arganeraie marocaine ou à la châtaigneraie corse, apparaît en filigrane un modèle général, qu’on peut qualifier de forêt domestique. Il n’oppose pas le blé à l’arbre, la rentabilité à la diversité, la compétitivité au partage.

Penser une partie du monde à la lumière de ce lien étroit entre l’homme et la nature permettrait de sortir de l’obsession de la production pour prendre en compte la qualité de vie et la préservation de la diversité biologique et culturelle. La forêt domestique nous invite aussi à repenser un développement qui n’essaierait plus d’imposer des modèles universels mais aiderait les sociétés qui le souhaitent à maintenir ou à reconstruire leurs systèmes selon leurs propres logiques. »